Rose Pastel

Billets de train

En rentrant chez moi après le travail, en bas des escaliers de la maison - c’est pas un immeuble, c’est une grande maison où chaque pièce est un mini studio - j’ai vu un carnet SNCF sur une marche. Je l’ai regardé, je ne l’ai pas pris, et j’ai commencé mon ascension jusqu’au 4e étage où je vis, dans ma petite chambre de bonne sous les toits.
Je me disais que le simple fait de prendre ce carnet SNCF allait me mettre dans la merde. Je veux dire par là que déjà, j’aurais dû regarder à l’intérieur s’il y avait des billets de train. Si non, histoire close. Si oui, j’aurais lu le nom de la personne, et j’aurais cherché après dans toute la maison. En un quart de seconde, je m’étais imaginé le scénario de l’histoire ainsi que le temps que j’aurais perdu à la régler.

Alors ok, je sais, c’est pas cool de passer à côté sans rien faire. La personne a paumé ses affaires, moi je les trouve, et je les lui rends même pas. Mais j’avais vraiment pas envie de mener mon enquête dans toute la maison. Surtout que je connais personne, ici. À part ma voisine du dessous, qui est accessoirement ma collègue. D’ailleurs, c’est elle qui s’est chargé des billets. J’ai entendu sa voix dans le couloir se rapprocher. Elle montait jusqu’à mon étage, téléphone à l’oreille, en train de parler au proprio, pour aller interroger tout ce beau monde que sont mes voisins de palier.

En temps normal, j’aurai fait quelque chose. J’aurai pris le carnet sans réfléchir. Sauf que, depuis que je fais ce travail de distribution-restitution des manuels scolaires, comme c’est mon premier "vrai" travail, je ne fais que ça de régler les problèmes des gens, et c’est vraiment chiant. On essaie, avec ma collègue-voisine, de régler des problèmes alors qu’on ne connait même pas la réponse, tout ça parce qu’on bosse pour la Région et que, du coup, les profs/vie scolaire, etc, pensent qu’on sait tout, et qu’on peut parler à la Région comme on veut, en un claquement de doigt, alors que même notre supérieure galère à faire passer des infos.

Ha, ça y est, je recommence à parler de mon travail. J’arrive pas à m’en empêcher. Auparavant, j’ai écrit plusieurs articles là-dessus. J’étais contente parce que, comme je l’ai écrit au-dessus, c’est mon premier vrai travail. Mais en fait, travailler, c’est chiant. Et ça sert à rien que je m’en plaigne en écrivant tout ce qui m’a soulé dans la journée. Des fois, ça me défoule, d’autres fois, ça me fait ressasser et c’est pas bon. Comme si je m’obligeais à me rappeler que travailler, c’est chiant.