Rose Pastel

C'est dur de s'excuser

Faut que je m’excuse auprès de mon collègue.
J’ai presque réussi à lui dire désolé aujourd’hui.
Il me relance toujours sur le sujet parce qu’il attend mes excuses et je fais la gamine en ignorant ou bien, comme aujourd’hui, en lui sortant mes excuses de pourquoi j’ai pas fait ce qu’il m’avait demandé de faire. Je passe pour la victime alors que c’est lui la victime. Il a subit les "dommages" à cause de moi, de ma mauvaise volonté.
Il est revenu sur le sujet en fin de journée pour bien que ça me trotte dans la tête une fois rentrée chez moi…

Pourquoi c’est si dur de dire désolé ou excuse-moi ?
C’est nul, ça n’arrange rien de me taire, de repousser le moment puisqu’il revient là-dessus après tout ce temps.
Ça lui est resté en travers de la gorge et je l’imagine en parler à sa compagne une fois rentré chez lui. Je l’imagine me détester, pester contre moi. Je me fais du mal, moi aussi, à imaginer ça.
Je m’imagine que ça va me motiver à lui présenter mes excuses si je m’inflige cette punition, car j’estime que je mérite d’être punie. Même si, avouons-le, il n’y avait pas mort d’homme.
Il a simplement été obligé de faire un job que j’ai refusé et qu’il n’avait pas prévu dans son planning.
Ça lui a juste fait perdre du temps et réaliser qu’il ne pouvait pas compter sur moi pour faire ce genre de tâche.

Je lui ai dit que c’était trop difficile pour mon niveau, j’étais bloquée dès le début, etc, ce qui était à moitié vrai.
J’aurai pu le faire, mais en 10 fois plus que temps que lui parce que je maîtrise moins bien que lui. S’il le faisait, ça irait largement plus vite. Sauf qu’il n’avait évidemment pas que ça à faire.

Ce travail, d’autres collègues étaient sur le coup, les années précédentes. Pourquoi on m’a refilé ça à moi alors que d’autres le faisaient très bien depuis longtemps ? Ils avaient certainement leurs méthodes, tous les outils, tous les automatismes. Avec moi, il aurait fallu que je me démerde pour tout trouver par moi-même alors que tout était établi chez eux.
En plus de ça, il aurait fallu que je le fasse chaque année, parce que ça revient chaque année, ce truc.

Au boulot, je dis oui à tout, tout le temps, même pour faire des petits trucs que personne ne veut faire, car y’a pas besoin de me casser la tête, du coup je prends ça comme du repos. C’est pas difficile, c’est juste laborieux, mais au moins, c’est pas stressant. Y’a pas à réfléchir, juste à faire des mouvements répétitifs. C’est pas gratifiant, mais comme c’est occasionnel, ça me va. Et puis, j’en fais déjà, des tâches gratifiantes qui me font me sentir fière de moi et donner du sens à mes journées.
Cette tâche, je pense pas que j’aurais été fière de moi à la fin vu tout le temps que j’aurais perdu et le casse-tête que ça aurait été. Je cherche aussi la facilité, mais c’est bien normal. On va pas au boulot pour toujours faire des trucs super difficiles, sauf si on adore le challenge quotidien.
J’avoue quand même que j’aurais pu faire plus d’efforts. J’ai essayé, mais j’ai bloqué.

J’adore ma zone de confort. Je me donne parfois des challenges mais à un rythme plutôt lent, car je prends le temps de faire les choses, dans la vie. Parfois, j’avoue que ça m’embête de prendre trop de temps car j’ai l’impression d’être molle, pas dégourdie, de perdre du temps. Je le laisse filer parce que je ne fais pas partie de ces gens les yeux rivés à leur montre en disant que le temps c’est de l’argent.
Sauf que j’ai peur que ça se voit. J’ai pas envie de passer pour la fille au cerveau qui tourne pas assez vite. Du coup, au travail, je fais en sorte d’être rapide, et quand je sais que je vais passer du temps sur un truc, j’aime pas ça. Par exemple, pour ce job, j’aurai vu tout le temps passé, j’aurais commencé à paniquer et j’aurais perdu mes moyens. J’aurai fini par me dépêcher, mais j’aurais laissé passer des erreurs.

Du coup, je suis plutôt lente, mais bon… on ne peut pas tout avoir.
Parfois, c’est malheureux, mais je me dis "heureusement que je suis plutôt jolie". Sans rire, je pense vraiment que rien que le fait d’être gentille et de sourire m’évite des ennuis, dans la vie comme dans le boulot. Je passe peut-être pour une idiote, je ne sais pas. Parfois ça m’arrange, car on n’a pas envie de débattre avec une débile (encore une fois, la facilité).
Alors que je veux juste être sympa, douce et arrangeante, compréhensive. Quelqu’un d’agréable avec qui on aime travailler, quoi.
Et comme je suis de nature curieuse, je pose beaucoup de questions, mais vraiment. Comme les gosses : et pourquoi ça fait ça ? Et si ça ne fait pas ça, c’est grave ? Et il faut faire quoi si ça ne marche pas ?

Je crois que je suis dans la catégorie des chieuses qui croit qu’elle est adorable.
J’en suis une sans le faire exprès, quand j’oublie des trucs ou quand je pose des questions pour vouloir tout savoir avant de faire un truc.
J’en suis aussi une en le faisant exprès, quand je ne m’excuse pas ou que je fais semblant de ne pas comprendre des trucs (jouer à l’imbécile - la facilité - c’est nul mais on me fait pas chier).
En plus, aujourd’hui, il m’a demandé de faire un truc spécifique, et j’ai répondu OK. J’aurai pu avoir oublié comment on faisait, mais je m’en suis rappelé, donc j’ai dit OK. Et il a répondu : "Ah ! Ça fait du bien de ne pas avoir à tout expliquer pendant 3h..."
Super… En fait, je le soûle vraiment quand j’arrive pas à faire un truc ou que j’ai oublié.

Pour en revenir à la tâche que j’ai pas eu envie de faire, j’ai préféré refuser dès le départ plutôt qu’abandonner en plein milieu puisque je suis du genre à abandonner facilement. Pour un peu tout mais surtout dans mes relations amoureuses.
Si j’avais abandonné en cours de route, il aurait dû récupérer un fichier à moitié fini auquel il n’aurait rien compris de sa structure vu que j’y vais à l’aveuglette quand je ne sais pas comment faire. Je bidouille. Il aurait vu à quel point j’étais pas qualifiée. Au lieu qu’il voit mon incompétence, j’ai préféré refuser en bloc et passer pour la chieuse. Et je continue à passer pour la chieuse en ne m’excusant pas, ce qui n’est pas cool.

Alors, j’ai essayé. Le peu de temps que j’ai essayé, au début, je n’ai réussi à rien. J’ai dû passer 20 minutes devant l’écran, à le fixer sans rien faire, à regarder la 1e page, et à constater que c’était un job merdique. Rien n’allait. Je savais pas par quel bout le prendre, je savais pas quoi faire. J’essayais de régler les problèmes évident et ça ne marchait même pas. J’ai pas essayé bien longtemps.
Et toute la semaine, il m’a tanné pour le faire. Le vendredi, j’ai haussé la voix en lui demandant pendant combien de temps il allait m’en parler. Il comprenait pas que j’avais pas envie. Je devais lui répéter chaque jour d’une manière différente. C’était lui, le chieur, à ce moment-là.

Normalement, ça se fait pas de refuser car il est mon supérieur. J’aurais dû le faire. J’aurai dû obéir.
Sauf que j’en ai marre de dire oui à tout, et encore plus quand je vois que j’y arrive pas.

Je sais que je l’ai déçu, mais ça ne nous empêche pas de bien nous entendre. On continue à rigoler. Il suffit juste que je m’excuse pour passer enfin à autre chose.